Une étude publiée dans Neuroscience & Biobehavioral Reviews questionne rien de moins que le modèle dominant à partir duquel on explique l’effet des médicaments antidépresseurs !
Et donc le mode d’action de certains médicaments parmi les plus vendus au monde.
Cette théorie, à laquelle on se réfère depuis près d’un demi-siècle, postule que la dépression est liée à des niveaux anormalement bas de sérotonine, un neurotransmetteur utilisé par certains neurones pour communiquer entre eux. L’effet des antidépresseurs de type inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) est alors expliqué par le fait que ces molécules, en bloquant un mécanisme qui élimine la sérotonine entre deux neurones, permet alors au neurotransmetteur d’y demeurer plus longtemps, et donc de contrer l’effet de sa faible production.
L’effet bénéfique de ces drogues, quand il se fait sentir, prend quelques semaines à se manifester. Mais dans l’intervalle, le moral du patient empire souvent.
Ce qui amène les auteurs de cet article à se demander si ces drogues ne retarderaient pas finalement des mécanismes de récupération naturels du cerveau. Selon eux, il y aurait davantage de sérotonine de relâchée et d’utilisée durant les épisodes dépressifs (des données qui ne peuvent être obtenues que par des mesures indirectes, d’où la controverse). Ils pensent donc que la sérotonine pourrait au contraire aider le cerveau à s’adapter à la dépression en réorientant ses ressources vers ce qu’on pourrait appeler des « pensées conscientes », au détriment d’autres processus moins conscients.
La dépression, même si toujours douloureuse et difficile, serait alors considérée comme une adaptation bénéfique de l’organisme à sa situation. Adaptation ayant ses propres mécanismes de résolution dans le cerveau. Et une position qui ouvre un débat pour le moins important.